La Cour des Comptes dans son rapport annuel sur le budget 2015 accuse l’État de se défausser sur l’Assurance maladie. Elle constate des transferts de compétence à hauteur de 150 M€ vers l’Assurance maladie qui « favorisent artificiellement la maîtrise des dépenses de l’État« . Ces transferts, parfois sans compensation, s’assimilent à une « débudgétisation masquée » par un État incapable de limiter la dérive des dépenses.
Dans le viseur, trois transferts de charges majeurs ayant une incidence sur le périmètre du budget général :
- Le financement des stages extrahospitaliers des internes en médecine générale par l’assurance maladie. (140M€)
- Le financement de la Haute Autorité de Santé (HAS), de l’Agence Technique de l’information sur l’Hospitalisation (ATIH) et du Centre National de Gestion (CNG), (20 M€)
- Le financement centres de dépistage des infections sexuellement transmissibles, transféré des départements à l’assurance maladie, (2,4 M€)
Pour la Cour, « le principe et les modalités de compensation de ces transferts suscitent d’importantes réserves. Le transfert à l’assurance maladie du financement de la HAS, de l’ATIH et du CNG, pour un montant d’environ 20 M€, ne fait l’objet d’aucune compensation, et doit être considéré à cet égard comme une pure et simple débudgétisation. Il induit de surcroît un affaiblissement de la capacité de pilotage de l’État à l’égard d’opérateurs essentiels des politiques de santé, et en particulier de la HAS, dont l’indépendance vis-à-vis de l’assurance maladie risque d’en être affaiblie. » Au moment où la transparence s’invite dans tous les débats, les rapporteurs s’interrogent sur l’expertise scientifique indépendante qu’est censée incarner la HAS, dès lors qu’elle a vocation à encadrer la mise en œuvre des politiques de santé largement pilotée par l’assurance maladie. Mais cette dotation faisait suite à la LFSS 2014 qui souhaitait mettre fin au financement de l’institution par des taxes versées par le secteur pharmaceutique. Le chemin vers la transparence est long et sinueux !
Autre sujet pointé par la Cour : l’aide médicale d’État (AME) de droit commun, sous-budgetée et exponentielle. Même si le budget de l’AME est difficilement quantifiable compte tenu des différents aléas possibles (réforme du droit d’asile, nouveaux ayant-droits, etc.), le report sur la CNAMTS du surcroît de dépenses d’AME de droit commun (soit 87 M€ de crédits supplémentaires sur les 632,6 M€ inscrits en PLF 2015) porte atteinte à « l’unité et à l’annualité du budget de l’État, et partant à la régularité de l’exécution« . Car si la dette accumulée par l’État envers la CNAMTS est progressivement apurée par l’affectation d’une fraction de la TVA, la dérive des budgets conduit à la constitution d’une nouvelle dette de 12,5 M€. Cette dérive répétée d’année en année de l’AME appelle à un « effort de sincérité budgétaire accru. »
Au total, les transferts de charges opérés par le PLF 2015 vers l’assurance maladie minorent de près de 150 M€ les crédits. Un petit exercice comptable pour cacher les dépenses de l’État sous le tapis de l’Assurance maladie… Un pas de plus vers l’étatisation de la Sécu ?
La Cour propose ainsi de « proscrire tout désengagement budgétaire » et « compenser tout transfert de charges à l’assurance maladie » (recommandation n°3). Il s’agit de trouver une « articulation plus claire et transparente des financements par crédits budgétaires et par l’assurance maladie« . Le constat n’est pas neuf. Mais encore « insuffisamment pris en compte« .
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